L’éclosion est terminée à Au Château, mais l’opposition au mandat vaccinal continue

0
Des manifestants se réunissent devant l’entrée du Foyer pour personnes âgées Au Château le 17 janvier, pour tenter de convaincre le conseil d’administration du foyer à abolir sa politique vaccinale qui restreint l’accès à l’intérieur de foyer aux visiteurs non-vaccinés.

Suzanne Gammon

Tribune

Après 27 longs jours, le 17 janvier, le Bureau de santé du district a finalement déclaré la fin de l’éclosion de maladies infectieuses au Foyer pour personnes âgées Au Château. Au cours de cette période, 49 résidents et 55 membres du personnel ont été infectés soit de COVID-19, soit de coronavirus-HKU1 ou les deux. C’était une période difficile, avoue le directeur général d’Au Château, Jacques Dupuis, mais il est soulagé que seulement deux résidents aient été «assez gravement malades» et qu’ils sont tous les deux rétablis.

«Les résidents souffrent lorsque nous avons une éclosion, pas juste parce qu’ils sont malades mais aussi parce qu’ils sont isolés. Même certains qui ne sont pas malades, s’ils partagent une chambre avec une personne infectée, ils doivent aussi s’isoler pour dix jours. C’est dur pour eux,» reconnaît M. Dupuis.

C’est aussi déchirant pour les familles qui ne peuvent pas visiter pendant l’éclosion, et le directeur souligne que celle-ci a débuté au pire moment, juste avant Noël le 22 décembre. De plus, le foyer est aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre aggravée par la maladie, parce que les employés infectés doivent s’absenter pendant dix jours, laissant une charge de travail bien plus grande à ceux qui restent.

«Notre personnel est surchargé, certains travaillaient sept jours sur sept et faisaient deux quarts de travail de suite» pendant l’éclosion, souligne M. Dupuis. Il est heureux d’en être sorti pour pouvoir compter enfin sur une équipe complète.

Selon M. Dupuis, cette situation n’a fait que confirmer le besoin de rester vigilant devant les virus qui circulent, car le foyer «ne peut pas se permettre de perdre plus de travailleurs à la maladie,» et «nos résidents sont dans la catégorie des personnes vulnérables et doivent être protégés autant que possible.»

Puisque les restrictions liées à l’éclosion ont été levées le 17 janvier, le foyer a pu rouvrir ses portes aux visiteurs enfin, mais sa politique de visitation plus restrictive pour les personnes non-vaccinées reste la même – une décision qui suscite des critiques virulentes.

Des manifestants demandent un accès égal pour les non-vaccinés

Depuis quelque temps, Au Château fait face à des critiques de la part de personnes non-vaccinées qui déplorent de ne pas pouvoir entrer dans le foyer pour voir un être cher qui y réside. Au Château a aménagé une pièce adjacente, à laquelle on accède par une entrée séparée, pour faciliter les visites aux résidents par des proches non-vaccinés. Cette pièce a été baptisée le Coin des amis. Cependant, les opposants disent que cette mesure est inadéquate car les familles ne peuvent pas y fournir l’aide et les soins qu’elles offraient aux résidents dans l’intimité de leur chambre, par exemple aider à les nourrir, les habiller, vérifier qu’ils aient pris leurs médicaments et ainsi de suite. M. Dupuis dit que c’est le rôle des fournisseurs de soins, et qu’un prérequis pour être reconnu comme fournisseur de soins, c’est d’être vacciné, donc le Coin des amis n’est pas conçu pour cette fonction.

Néanmoins, les membres de la famille qui étaient fournisseurs de soins avant la pandémie se considèrent toujours responsables des soins de leur proche, et ils se sentent dépourvus de la capacité de les aider. Ils estiment que la politique du foyer est discriminatoire à leur égard et nuisible à leur proche qui souffre de leur absence.

La situation a mené à une manifestation devant le foyer le mardi 17 janvier en soirée. Les manifestants cherchaient à influencer le nouveau conseil d’administration d’Au Château, qui allait se réunir le lendemain, 18 janvier à midi. Ils tenaient des pancartes demandant la fin de la politique vaccinale. «No more mandate, I want Momdate» (plus de mandat, je veux Maman) pouvait-on lire sur la pancarte de Lise Rhéault, dont la mère de 84 ans souffre de démence et ne comprend pas pourquoi sa fille, autrefois fournisseur de soins, ne peut plus entrer la voir.

Une trentaine de personnes ont participé à la manifestation pacifique. Deux agents de liaison de la Police provinciale de l’Ontario étaient présents pour assurer que tout se passe dans l’ordre, et les manifestants ont été très coopératifs. Les agents leur ont demandé de rester à l’extérieur de la propriété et de ne pas bloquer l’entrée, affirmant que la direction de l’institution ne voulait pas que la manifestation dérange la paix des résidents. Malgré une légère pluie verglaçante, les participants semblaient de bonne humeur, discutant calmement entre eux et brandissant leurs pancartes sans crier. Quelques passants ont klaxonné pour signaler leur soutien.

Ce que les manifestants voulaient, c’était une décision du conseil d’administration levant l’obligation d’être vacciné pour entrer à l’intérieur du foyer. Ils l’ont presque obtenue le lendemain, lorsque les membres du conseil ont voté à égalité sur ce changement, mais l’égalité des votes a mené au rejet de la proposition.

Un conseil divisé sur l’obligation vaccinale

La réunion du 18 janvier a débuté par une élection, car le conseil d’administration d’Au Château entame l’année 2023 avec une toute nouvelle composition. La vice-présidente sortante, Catherine Neddow, a retenu son poste de vice-présidente alors que Ronald Demers a été nommé président. Ces deux membres nommés par la province sont maintenant joints par quatre nouveaux représentants municipaux, soit Fern Pellerin, Jamie Restoule, Kathleen Thorne Rochon et Anne Tessier.

Pendant la réunion, M. Dupuis a résumé la récente éclosion et les défis de ressources humaines qui en ont résulté, puis il a mentionné que l’assurance du foyer ne couvre pas la responsabilité légale en lien avec la COVID-19, car aucun des fournisseurs d’assurance locaux n’offrait cette couverture. «Si jamais nous sommes attaqués en justice, la corporation devra payer elle-même sa défense,» a-t-il affirmé. Mme Neddow a répondu qu’une famille voulant attaquer le foyer «serait tenue de prouver qu’il y a eu négligence grossière». M. Dupuis était d’accord, mais ajoutait que même si Au Château était acquitté de tout blâme, sa défense pourrait couter cher.

Lorsque la politique vaccinale a été soulevée, Mme Tessier a fait un long plaidoyer en faveur d’abolir l’obligation pour les visiteurs, affirmant que le vaccin contre la COVID-19 «est encore considéré comme une drogue expérimentale» qu’on ne devrait pas imposer aux gens. Elle a soutenu que, contrairement aux dires des gouvernements au moment du lancement du vaccin, celui-ci n’empêche pas la transmission du virus mais réduit seulement la gravité de la maladie. «Les personnes vaccinées et les non-vaccinées peuvent tous les deux transmettre» le virus, a-t-elle indiqué. Comme preuve, elle a souligné que 95% de la communauté d’Au Château est vacciné, et malgré cela il y a des éclosions dans le foyer. Elle a ajouté que les visiteurs non-vaccinés sont prêts à subir un test de dépistage et à porter un masque dans le foyer, et ne représentent pas un risque plus grand que les vaccinés. Enfin, elle a affirmé que les fournisseurs de soins sont plus essentiels que jamais en raison de la pénurie de main-d’œuvre, et que leur présence améliorerait les soins aux résidents.

Mme Neddow était partiellement d’accord, mais elle préférait considérer un changement seulement pour les fournisseurs de soins et non pas pour l’ensemble des visiteurs non-vaccinés, pour le moment. Appelant à la prudence, elle a rappelé que «nous avons affaire à un groupe de personnes très fragile», dont beaucoup avec des problèmes de santé sous-jacents.

Mme Tessier a précisé que sa proposition viserait seulement les fournisseurs de soins, puis elle a demandé un vote par appel nominal. Elle-même, Mme Neddow et M. Pellerin ont voté en faveur. M. Restoule, Mme Thorne Rochon et M. Demers ne voulaient pas précipiter les choses, préférant voter contre un changement immédiat.

M. Restoule, qui travaille dans le domaine de la santé, a rappelé que les résidents d’Au Château sont parmi «les personnes les plus fragiles de notre communauté» et que le foyer a la responsabilité d’assurer leur santé et leur bien-être. «Nous voyons encore des éclosions… Je ne pense pas que nous sommes sortis du bois encore. Je pense que c’est mieux de prôner la sécurité pour le moment,» a-t-il dit, ajoutant que d’autres virus respiratoires et la grippe sont aussi des menaces en ce moment. «Plus nous sommes vigilants, mieux c’est pour nos résidents.»

Mme Thorne Rochon prônait aussi la prudence, tout en reconnaissant le rôle important des fournisseurs de soins. Alors qu’elle ne voulait pas voir l’obligation vaccinale levée pour tous les visiteurs pour le moment, elle s’est dit ouverte «à une discussion plus poussée sur l’entrée des fournisseurs de soins», bien sûr «avec des mesures de contrôle des infections». Cependant, elle voulait consulter le personnel et avoir un plan de mise en œuvre avant qu’un tel changement ne soit adopté, donc elle a recommandé que la question soit remise à une réunion subséquente pour donner le temps à l’administration de formuler un plan.

M. Demers était d’accord qu’il fallait d’abord demander des recommandations du personnel, ajoutant que tous ont le même objectif de revenir à un fonctionnement normal. «Personne ne veut que la politique vaccinale ne dure plus longtemps que nécessaire,» a-t-il exprimé, en ajoutant que la pandémie «n’est pas encore terminée.» Il a rappelé que le conseil d’administration précédent avait adopté à l’unanimité la politique vaccinale. «Notre devoir explicite, c’est d’assurer que nos résidents restent en santé et que nous prenons soin aussi de notre personnel.»

Mme Neddow a souligné que les fournisseurs de soins ne peuvent pas remplir certaines fonctions dans le Coin des amis, «comme habiller et déshabiller le résident, s’assurer qu’il ou elle a pris son Ensure» et ainsi de suite, ce qui leur enlève la possibilité de bien s’occuper de leur proche. M. Dupuis a répliqué que le Coin des amis n’est pas conçu à cette fin mais bien à des visites sociales seulement, tout en assurant que le soin de tous les résidents est assuré par le personnel d’Au Château.

Lorsque le vote était pris, M. Demers était le dernier à s’exprimer. Il a dit qu’il aurait tendance à s’abstenir comme président pour ne pas créer un vote à égalité, mais que cette question était trop importante pour qu’il ne se prononce pas. Son vote créant une égalité, la proposition a été rejetée, mais le président a assuré que la question n’est pas close.

M. Dupuis a renchéri. «Ça ne veut pas dire que nous n’allons pas réévaluer la politique,» a-t-il dit, ajoutant que le personnel continue à surveiller l’évolution de la situation et que «dès que nous pouvons être confiants que la pandémie est derrière nous,» l’administration recommandera de suspendre les mesures.

Leave a Reply