La Première nation Nipissing est secouée par les découvertes de dépouilles d’enfants

Le chef est ému par le soutien local, et espère poursuivre le dialogue

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Le chef de la Première nation Nipissing, Scott McLeod Shabogesic, a passé le 1er juillet en pèlerinage au site des anciens pensionnats autochtones à Spanish, Ontario, où sont allés la plupart des survivants locaux des pensionnats. Le chef a affiché sur sa page Facebook une vidéo de lui devant les ruines de l’ancien pensionnat pour filles St-Joseph, et au site de l’ancien pensionnat pour garçons St. Peter Claver, en demandant aux gens de passer le 1er juillet à réfléchir sur les atrocités subies par les enfants autochtones. Les pensionnats de Spanish, en fonction de 1913 à 1965 sous la direction des Jésuites et des Filles du cœur de Marie au compte du gouvernement du Canada, étaient parmi les 130 «écoles résidentielles» au pays chargées de l’éducation des enfants autochtones, obligés de force à assister.

La découverte de centaines de dépouilles d’enfants ensevelis sur des sites d’anciennes écoles résidentielles au Canada, et les révélations qui se succèdent depuis, frappent durement la communauté de Nipissing. C’est bouleversant, aussi, pour les Canadiens obligés de faire face à une dure réalité sur l’histoire du pays. Le Nipissing Ouest a réagi en mettant ses drapeaux en berne, en affichant des rubans orange et des hommages aux enfants perdus, et en observant une Fête du Canada bien plus sobre et solennelle qu’à l’habitude. Une lourde tristesse s’est abattue sur la région, où l’on côtoie de près des survivants, et beaucoup de personnes se demandent comment aider à soulager la souffrance de nos voisins et amis.

Le chef McLeod dit que la reconnaissance est un début important, et il était touché de voir autant de personnes atténuer leurs célébrations de la Fête du Canada pour témoigner leur respect aux premières nations. Il a parlé avec la Tribune le vendredi 2 juillet. «La première étape, c’est la reconnaissance. Lorsqu’une personne est victime d’un crime ou d’un évènement terrible, ils ne peuvent pas commencer à guérir s’il n’y a pas de reconnaissance, si l’on ne croit pas à ce qui leur est arrivé. J’étais agréablement surpris hier, parce que beaucoup de gens ont l’habitude de célébrer la Fête du Canada et de penser que le Canada est le meilleur pays au monde, ce que je crois aussi en général. Mais il y a des problèmes auxquels certaines personnes dans ce pays font face alors que d’autres n’y font pas face. Si nous continuons à célébrer avec ceux qui ont de quoi célébrer en laissant de côté ceux qui souffrent, ça ne rend pas notre pays meilleur. Le Canada a le potentiel d’être un bien meilleur pays qu’il ne l’est dans le moment.»

M. McLeod pense que l’éveil et la reconnaissance d’un bon nombre de Canadiens est un grand pas vers l’avant, et il sait que c’est particulièrement difficile pour ceux qui voient leur «vie parfaite basée sur la conviction qu’ils sont venus ici et ils ont travaillé fort pour atteindre leurs buts et le succès,» de voir cette bulle éclater. «Gâcher tout ça avec la vérité, avec la prise de conscience que oui, tu as travaillé fort pour réussir, mais le succès est aussi venu aux dépens des personnes autochtones. Je peux comprendre pourquoi les gens ne veulent pas entendre cela. Mais la séparation entre les autochtones et les non-autochtones ne pourra pas se corriger si nous ne reconnaissons pas ces vérités pour trouver une façon d’avancer ensemble au lieu de continuer à se conforter dans un mensonge. C’est une chose difficile et oui, les communautés autochtones savent que c’est difficile.»

Le Nipissing Ouest repose sur les terres ancestrales de sa nation. Le peuple des Népissingues est ici depuis plus de 10 000 ans. Tous les autres sont des immigrants. Mais le chef McLeod n’a pas de rancœur; il cherche à rapprocher les gens. «Certains de mes confrères réagissent avec colère. J’essaie de réagir avec calme et avec des faits, en m’adressant à ceux qui ont l’esprit ouvert pour pouvoir les renseigner et les aider à comprendre. On ne peut rien enseigner à une personne en colère et si l’on met les gens sur la défensive, c’est difficile de leur faire voir notre point de vue et notre histoire… J’étais agréablement surpris de voir si peu de célébration autour de la Fête du Canada, de voir autant d’orange et de soutien, pas seulement chez-nous mais tout au long de ma route jusqu’à Spanish. (…) Je pense que c’est une bonne chose, pas parce que nous ne devrions pas être fiers de ce pays, mais je suis encore plus fier en sachant que les Canadiens peuvent mettre ça de côté lorsque des gens sont en deuil, afin de les soutenir. S’il y a des funérailles chez votre voisin, ce n’est pas la meilleure idée de choisir ce moment pour faire la fête. C’est une question de respect, de donner à l’autre l’occasion de faire son deuil et guérir. Je suis très fier des personnes non-autochtones qui ont mis de côté leurs bannières et leurs drapeaux et leurs feux d’artifice pour montrer leur solidarité avec nous. Ça en dit long sur ce pays et sur notre avenir.»

La Première nation Nipissing a réagi aux découvertes récentes en organisant des feux sacrés et des rassemblements solennels, dont des activités en ligne le 21 juin pour la Journée nationale des peuples autochtones, afin d’affirmer que leur culture est bien forte et vivante malgré tous les efforts pour l’anéantir. Il y a eu beaucoup d’efforts, aussi, pour soutenir les survivants locaux des pensionnats, pour qui ces découvertes ouvrent des plaies douloureuses. «Nous créons des espaces de soutien, parce que ces découvertes ne touchent pas seulement les personnes qui ont assisté à ces écoles particulières. Les personnes autochtones partout au Canada, lorsque nous entendons parler des enfants de Kamloops ou de la Saskatchewan, ça nous frappe autant que si c’était dans notre propre communauté. Nous étions tous dans le même bateau. La Loi de 1876 s’appliquait à nous tous et nous étions tous forcés à aller dans ces pensionnats autochtones; nous étions tous visés par ces pratiques dévastatrices. Même si notre langue et notre culture et nos croyances spirituelles variaient de Terre-Neuve à Vancouver, nous vivions tous cette même réalité. Alors quand ces découvertes ont été faites, la douleur résonne de Vancouver à Terre-Neuve. Ça suscite des émotions fortes même chez les personnes qui ne sont pas nécessairement conscientes qu’elles sont traumatisées par ce passé. Nous sommes nés avec ce bagage. Notre communauté compte des survivants des pensionnats et des enfants qui ne sont peut-être jamais revenus de Spanish. Il nous reste à éclaircir cela.»

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