Une conseillère municipale est harcelée après un vote controversé

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Des photos de la conseillère municipale Kati Nicol, dont celle-ci, ont été signalées sur Facebook pour «maltraitance envers les enfants» et «cruauté envers les animaux», ce qui a conduit à la fermeture de son compte afin qu’elle ne puisse plus communiquer avec ses électeurs. Mme Nicol explique que cela fait partie du harcèlement dont elle a été victime après un vote du conseil municipal qui a irrité certains de ses anciens partisans.

Isabel Mosseler

Tribune

La conseillère du quartier 5, Kaitlynn ‘Kati’ Nicol, n’est pas très connue dans la région. Avec son mari et son jeune fils, elle s’est installée à Field en février 2019, un an avant la pandémie de COVID-19. Elle n’a pas d’antécédents dans la région, mais elle a appris à aimer sa nouvelle communauté et elle voulait y apporter sa contribution. Lorsqu’elle a décidé de se présenter aux élections municipales de 2022, elle a fait froncer quelques sourcils en annonçant sa candidature avant même que la période de nomination ne soit ouverte. Elle a remporté son siège par 9 voix, en menant une campagne ardente, détrônant le conseiller sortant Chris Fisher. Âgée de 34 ans, elle est la troisième plus jeune membre d’un conseil dans l’ensemble plutôt jeune. Il s’agit de sa première incursion en politique. «Au départ, il s’agissait simplement de ramener les événements communautaires, des activités pour les enfants, et de se sentir en contact après les années de COVID. Nous sommes tous tombés dans ce marasme où nous étions très isolés et je voulais juste ramener ce sentiment de communauté et faire en sorte que la vie sociale et communautaire reprenne.»

Originaire du sud de l’Ontario, la vie dans une petite communauté rurale du nord est un changement pour elle. «Je comprends que le rythme soit plus lent ici, mais en même temps, je voulais apporter certaines choses que j’ai appréciées dans ma jeunesse… plus de musique, de culture et de sports différents. Je sais que le hockey est important pour tout le monde dans le Nord, mais il serait bon de diversifier, explorer d’autres options. En fait, j’ai vu plusieurs personnes qui se débrouillent déjà en ce sens. Ils sont les fers de lance, ce qui est magnifique à voir, et il y a maintenant un engagement communautaire de plus en plus prononcé.» Depuis sa victoire aux élections, Mme Nicol en est venue à respecter son prédécesseur, reconnaissant que «je voulais simplement essayer de faire avancer les choses et je sais que c’était pareil pour lui.»

Kati Nicol a pris les devants pour bien arriver à ses fins. Elle sait qu’elle a des défis à relever. D’abord, elle ne parle pas français, mais elle y travaille en suivant des cours et en s’exerçant. Il y a aussi son inexpérience et les liens à bâtir dans le Nipissing Ouest, mais elle apprend rapidement en assistant à des conférences telles que l’Association des municipalités du Nord de l’Ontario et en profitant de toutes les occasions possibles pour rencontrer des gens de tous les coins de la municipalité.

Mais il y a un obstacle qu’elle ne s’attendait pas d’affronter : celui d’être attaquée personnellement parce qu’elle a pris une position impopulaire auprès d’un groupe de résidents. Elle a voté avec la majorité du conseil pour soutenir un remaniement des comités du conseil, ce qui a retiré la conseillère Anne Tessier du conseil d’administration d’Au Château. «Je ne regrette pas ma décision,» insiste-t-elle, malgré une pétition et une pression politique exercée pour que cette résolution du conseil soit renversée.

L’exercice d’une fonction publique n’est pas sans conséquences; les élus sont souvent scrutés à la loupe en tant que personnages publics. Mais ce qui est arrivé à Kati Nicol dépasse les bornes, et elle craint que ce genre d’action finisse par décourager des gens bien intentionnés à se lancer en politique, par crainte pour la sécurité et le bien-être de leur famille. Kati Nicol se demande aussi pourquoi c’est elle en particulier qui est prise pour cible. L’agresseur pense-t-il qu’elle est vulnérable, se questionne-t-elle. «Je m’attendais à ce que les décisions que je prenne soient critiquées. (…) Mais je ne m’attendais pas à ce que les gens se focalisent sur mes décisions en particulier.» Mme Nicol est très prudente en expliquant ce qui s’est passé, ne voulant pas compromettre l’harmonie d’un conseil qui, selon elle, travaille très bien ensemble. «Je veux que nous restions concentrés sur les bonnes choses,» dit-elle.

Néanmoins, elle décrit en grandes lignes ce qu’elle traverse. La conseillère n’a plus de moyen simple pour communiquer avec son électorat parce que quelqu’un aurait étiqueté des photos sur sa page Facebook comme «maltraitance envers les enfants» et «cruauté envers les animaux.» Il s’agissait de photos inoffensives d’elle avec son fils de six ans ou avec les animaux de sa ferme. Facebook a réagi en fermant son compte. «Je crois que j’ai cette page [Facebook] depuis l’école secondaire… Nous avons une ferme. Je partage des photos de nos animaux et de tous les petits. Je partage des photos de mon fils. C’était vraiment une attaque cruelle et sans raison. Plus de 100 photos ont été signalées pour maltraitance d’animaux, ce qui, si vous avez vu mes photos, est loin d’être vrai. Une photo de mon fils assis sur notre tracteur, en 2019 ou 2020, a été signalée pour négligence à l’égard d’un enfant. Il y a eu tellement de rapports que tout le compte a été fermé… un coup si bas parce que… je ne fais pas ces choses et j’espère que personne dans la communauté ne pense que je fais ces choses. C’est très blessant.»

Mme Nicol affirme que deux autres membres du conseil municipal subissent des attaques similaires. Elle soupçonne que les mêmes personnes sont à l’origine de toutes ces attaques, et elle a des suspects en tête, mais elle n’a pas de moyen d’en confirmer l’identité. «Je n’en suis pas sûre parce que Facebook ne dévoile pas l’auteur d’une accusation, mais cela semble très ciblé après ce qui s’est passé.»

Mme Nicol pense que les auteurs de ces attaques l’ont identifiée comme une personne vulnérable, un maillon faible, estimant qu’elle pourrait être amenée à changer d’avis sur certaines questions sous ce type de pression. Outre les accusations anonymes dont elle fait l’objet, elle a également été confrontée à l’agressivité en personne. Lorsqu’elle accompagne son fils au hockey, on l’aborde en lui agitant un doigt menaçant devant le visage. Ça, elle s’y attendait, mais pas aux attaques furtives. Elle se décrit comme une personne honnête et bien intentionnée qui s’est lancée en politique pour améliorer les choses, après avoir vu quelques réunions de l’ancien conseil municipal. «Je me suis dit : «D’accord, si je veux que ça change, qu’est-ce que je peux faire? … Je me suis dit que je pouvais au moins essayer, partager mes idées et mon point de vue sur les choses et franchement, je ne pensais jamais pouvoir gagner.»

Elle pense que la famille de Chris Fisher a subi aussi de dures épreuves lorsqu’il était en fonction. Les attaques personnelles contre les membres du conseil sont assez troublantes en soi, mais lorsque la famille est visée, c’est pire. «Je me suis sentie mal pour mon fils parce que je ne voulais pas cesser d’aller au hockey et le soutenir par crainte de voir certaines personnes. Je ne veux pas non plus l’obliger à me voir bouleversée dans les lieux publics… Quand ils sont en face de vous et qu’ils vous agitent le doigt dans le visage, c’est vraiment difficile de s’en aller et, croyez-moi, il y a beaucoup de choses que j’aimerais dire, mais oui, évidemment, je ne peux pas.»

Mme Nicol pense que le pire est derrière eux maintenant. Pendant quelques jours, son mari fermait à clé la barrière de leur propriété la nuit et elle ne répondait pas aux appels téléphoniques. Elle précise que personne n’est venu physiquement sur la propriété, mais qu’ils ont vécu dans l’angoisse pendant un certain temps. «Il semble que le pire soit passé. La semaine dernière a été très calme. Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose.»

La conseillère a ouvert une nouvelle page Facebook, mais celle-ci a été rapidement attaquée et gelée elle aussi. «Je ne peux pas utiliser Messenger. Je ne peux pas ‘aimer’ les messages ou les commentaires. Et c’est triste parce qu’il y a tellement de belles choses qui se passent en ce moment et que j’aimerais partager avec [le public]. C’est comme un compte fantôme; je peux voir ce qui est affiché, mais je ne peux pas interagir.» Elle précise que les comptes sont gelés pendant 30 jours, mais que cela l’empêche de célébrer des événements familiaux, comme l’anniversaire de son fils, et de communiquer avec le public. C’est exaspérant pour elle, car les médias sociaux étaient son principal outil de communication avec ses électeurs avant ces attaques.

Mme Nicol a dressé une liste de personnes qu’elle soupçonne d’être à l’origine de cette malfaisance. Lorsqu’on lui demande si elle a contacté la police, elle répond : «J’ai pensé à ouvrir un dossier juste pour que ce soit enregistré, mais il n’y a vraiment rien de très concret. Il n’y a pas de menace [réelle]. Rien ne pourrait être qualifié de crime. C’est juste quelqu’un qui a trop de temps libre et qui essaie de me rendre folle. Je ne sais pas s’ils veulent que je démissionne. Je ne sais pas s’ils veulent que je craque. Je ne sais pas exactement quel est le motif.»

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