Christian Gammon-Roy et Isabel Mosseler
IJL – Réseau.Presse
Tribune
Les électeurs de Nipissing Ouest ont envoyé un message clair et fort le 24 octobre, balayant tout le conseil municipal actuel en faveur de neuf nouveaux élus. C’était le résultat de quatre années de conflits et de dysfonction à la table du conseil, au point où la province ait dû intervenir, et le public en avait eu assez d’après les résultats de l’élection municipale annoncés lundi soir.
C’est le 15 novembre que sera assermenté le nouveau conseil, mené par la nouvelle mairesse Kathleen Thorne Rochon. Celle-ci a récolté 41% du vote, ou 2698, alors que ses rivaux étaient séparés de seulement 70 votes, soit 1978 pour Dave Lewington et 1908 pour Dan Roveda.
Seulement 47,68% des 13 990 électeurs admissibles ont voté, un taux de participation semblable à celui de 2018 et plus élevé que la moyenne provinciale.
La campagne a été rude et les conflits du conseil actuel ont teinté la course. Un camp du conseil, formé de la mairesse sortante Joanne Savage et des conseillers Yvon Duhaime, Lise Sénécal et Denis Sénécal, a choisi de ne pas se présenter à nouveau mais il a cabalé contre les candidats de l’autre camp, soit Chris Fisher, Roland Larabie, Norm Roberge et Dan Roveda. Évidemment, de nombreux électeurs étaient d’accord qu’il fallait faire table rase au conseil, et aucun des derniers n’a été réélu.
Kathleen Thorne Rochon
La prochaine mairesse a voulu s’isoler des conflits, pendant que Mme Savage soutenait publiquement son rival Dave Lewington et cabalait contre son autre rival Dan Roveda. Elle pense que les électeurs voulaient une candidate qui parlait des dossiers de l’heure et pas des conflits de personnalité. «Je suis fière de notre campagne parce que nous avons fait preuve de substance en avançant des idées, et je suis vraiment restée en dehors du drame,» dit-elle. «Si je gagnais, peu importe qui formait le conseil, je voulais être capable de développer une bonne relation de travail avec eux. Je n’ai donc soutenu aucun candidat dans aucun des quartiers, parce que ce n’est pas à moi de choisir les personnes avec qui je devrai travailler et je ne voulais pas commencer le mandat avec des ressentiments résiduels.»
Son nouveau conseil a peu d’expérience politique à son actif, mais elle reconnaît que sa composition est un reflet de la frustration des électeurs. «C’est difficile de ne pas tenir compte de tout ce qui s’est passé ces derniers 4 ans. À raison ou à tort, la perception des résidents, c’est que chacun avait sa part de responsabilité. Les électeurs se sont prononcés, et c’est ça la démocratie,» résume-t-elle.
Malgré le manque d’expérience, elle est confiante de pouvoir avancer avec les nouveaux élus et même de pouvoir compter sur les anciens pour faciliter la transition. «J’ai aussi beaucoup de confiance en notre personnel pour nous aider dans la transition. (…) Pendant la campagne, j’ai eu le privilège de parler avec plusieurs anciens conseillers, (…) donc j’ai un réseau de contacts avec cette expérience et je ne vais pas hésiter à utiliser ces ressources pour pouvoir avancer nos dossiers le plus vite possible.»
Attaquer le travail, c’est urgent, dit-elle, parce qu’il y a de nombreux dossiers en suspens comme le développement du terrain de l’ancien moulin, la stratégie sur le logement et bien d’autres. Elle est prête à se retrousser les manches.
Mais avant d’attaquer le travail, elle a pris le temps de célébrer sa victoire lundi soir avec sa famille, ses amis, son équipe de campagne et quelques autres candidats réunis à la taverne du restaurant Gervais pour attendre ensemble les résultats de l’élection. Lorsque l’annonce a été faite vers 23 heures, c’était une irruption de joie dans la salle. La nouvelle élue a fait un bref discours pour remercier ses bénévoles, les électeurs, sa famille et surtout son époux François Rochon.
Elle a terminé sur un appel à la collaboration. «Notre travail commence demain. Je suis impatiente de travailler avec les conseillers élus. Je voudrais aussi inviter tous les autres candidats à rester impliqués, à se joindre à des comités et continuer à investir leur énergie au profit de notre communauté.»
Dave Lewington et Dan Roveda
M. Lewington a répondu à cet appel dans une déclaration émise le lendemain de l’élection, en félicitant Mme Rochon de sa victoire. «Ce fut un plaisir d’échanger avec vous et d’apprendre à vous connaître un peu plus au cours de la campagne. J’apprécie votre sens de l’humour et votre désir d’aider à favoriser une communauté plus inclusive. J’espère vraiment que nous pourrons travailler ensemble sur certains des problèmes communs que nous avons tous les deux identifiés comme étant proches et chers à nos cœurs, comme un comité des jeunes et un comité de la sécurité alimentaire. N’hésitez pas (…) à m›appeler au cours des 4 prochaines années si vous voyez des problèmes que le conseil doit résoudre,» a-t-il adressé à la nouvelle mairesse.
Il a aussi remercié tous les conseillers sortants et surtout Mme Savage pour ses années de service.
Le fermier de Lavigne s’est dit fier de sa campagne, qu’il a menée avec peu de moyens financiers alors qu’il n’était pas très connu, pour enfin atteindre près de 2000 votes. Il compte poursuivre ses revendications pour une plus grande transparence au gouvernement municipal. À cette fin, il attend le rapport d’enquête du ministère des Affaires municipales, prévu en décembre, pour pouvoir identifier les failles du conseil et tenter d’y remédier. «J’ai hâte de recevoir le prochain rapport du ministère, de le partager avec les citoyens et de mettre en œuvre les correctifs nécessaires pour essayer de faire en sorte que nous ne nous retrouvions plus dans la même situation à l›avenir,» déclarait-il.
Dan Roveda, pour sa part, avait investi beaucoup de temps, d’énergie et de ressources financières, estimées à environ 12 000$, dans une campagne qui s’est soldée en échec amère. Dès 6 heures le mardi matin, il était en train de retirer ses pancartes après une nuit sans sommeil. Le soir de l’élection, il était à la maison avec son épouse Cynthia, assez confiant d’une victoire que tous ses appels et visites l’avaient encouragé à prévoir.
«Eh bien, c’est fini et nous avons perdu,» a-t-il résumé en incluant les autres candidats sortants évincés par les électeurs. «C’est dommage, mais c’est la vie.» Il avait embauché une firme pour faire 4000 appels dans la municipalité, et 1700 répondants lui étaient favorables au téléphone. Il a appris que les gens peuvent dire une chose et faire le contraire. «Je vais m’en remettre, je suis une personne positive. Ça fait mal, mais il n’y a rien à faire. Arriver en troisième place, en plus? Après toutes les indications qui nous laissaient croire à une victoire? Wow! Mais nous avons fait une bonne campagne. Je peux me regarder dans le miroir (…) Nous n’avons pas mené une campagne sale. Personne ne m’a entendu parler en mal de mes opposants, et je souhaite la meilleure des chances au nouveau conseil.»
Il estime que tout le conseil a souffert d’une image ternie en raison des derniers quatre ans, et cela s’est répercuté sur leurs chances d’être réélus. Mais il ne désespère pas quant à l’avenir de la ville. «Nous avons de très bonnes personnes au conseil, parmi les nouveaux élus, et bravo à eux. Soyez prêts à travailler fort!» Puis il a confiance au personnel qui les appuiera. «Nous avons un bon administrateur et une bonne équipe et je sais qu’ils feront ce qu’il faut. Le conseil est là pour donner une vision directrice, et c’est ce qui se passera.»
Quant à lui, il prendra du recul pour refaire le plein d’énergie, puis il se consacrera à autre chose que la politique. «J’ai assez goûté à la politique, et en fin de compte je me sens soulagé. Le soleil s’est levé et c’est une belle journée aujourd’hui (…) Je veux voir la communauté avancer parce que je crois fermement que c’est une communauté merveilleuse.»
Pour garder cet état d’esprit sain, cependant, il a décidé d’éviter les réseaux sociaux, qu’il qualifie de toxiques. «Je vais supprimer ma page Facebook à midi, et même ma page personnelle, je ne veux même plus être sur Facebook,» dit-il, affirmant que cette plateforme a été utilisée pour empoisonner la campagne de rhétorique haineuse.
Huit nouveaux conseillers
La plupart des nouveaux élus n’ont pas d’expérience politique, sauf le nouveau conseiller du quartier 1, Kris Rivard, qui a fait deux campagnes provinciales sous la bannière du parti Vert, et le représentant du quartier 4, Jamie Restoule, qui regagne son poste au conseil après une défaite contre M. Roveda en 2018.
M. Rivard a récolté 81% des votes (768) du quartier 1 contre son rival Réjean Venne, avec seulement 19% (176). M. Restoule a reçu un mandat fort également, avec 78% (868 votes) contre le candidat Robert Burey avec 22% (243).
Dans les quartiers 2, 3 et 7, les victoires étaient aussi très convaincantes. Roch St-Louis a remporté le quartier 2 avec 70% des voix (909), contre Christine Riberdy avec 30% (386). Dans le quartier 3, 75% (711) des électeurs ont opté pour Daniel Gagné, contre 25% (241) pour Denis Sabourin. À Verner, le conseiller actuel Normand Roberge a récolté seulement 27% des votes, cédant sa place à Fernand Pellerin qui en a pris 73% (445).
Les courses étaient plus serrées dans les quartiers 5 (Field et environs) et 6 (River Valley et environs). Kaitlynn Nicol a devancé de justesse le conseiller actuel Chris Fisher, avec 45% (234) des votes contre 43% (222). Loin derrière, la troisième candidate Sue Desgroseilliers a reçu 64 votes (12%). Dans le quartier 6, le conseiller de longue date Roland Larabie a reçu 43% (295) des votes, perdant contre sa rivale Anne Tessier avec 57% (388).
Il n’y avait pas de courses dans le quartier 8, où Jérôme Courchesne a été acclamé. Cela explique sûrement le faible taux de participation dans ce quartier incluant Lavigne, où seulement 27% des électeurs admissibles ont voté.
La participation était faible aussi dans le quartier 5, à seulement 37%, alors qu’elle tournait entre 44% (quartier 6) et 59% (quartier 7) dans les autres quartiers électoraux.