
Alarmées par le problème croissant de l’itinérance dans le Nipissing Ouest, notamment pendant les périodes de grand froid en février, deux jeunes femmes ont lancé une collecte de dons pour venir en aide aux sans-abri.
En février, Josie Anne Girard et Mireille Berthelot ont lancé un appel au public pour des dons de nourriture, équipement de camping, couvertures, vêtements chauds, produits hygiéniques et autres. Le duo a rempli des sacs pour distribuer aux sans-abri, offrant ces dons à des personnes itinérantes à North Bay et Sturgeon Falls. Elles ont même recueilli des dons monétaires qui ont servi à acheter des cartes-cadeaux de restaurants et des chambres d’hôtel pour loger les personnes les soirs de froid extrême. Selon elles, les dons ont été reçus avec beaucoup de reconnaissance.
«Nous n’avons pas fini de donner, surtout après ce que nous avons vu. La demande est très forte et nous n’allons pas nous arrêter,» d’écrire Mireille Berthelot sur sa page Facebook le 9 mars.
Elles continuent donc à demander des dons, ayant même lancé une page Facebook appelé Helping the less fortunate of Sturgeon & North Bay, ouverte à tous. Les personnes qui voudraient faire un don peuvent communiquer avec Mir Berthelot ou Josie Girard sur Facebook ou par texto au 705-388-3993.
L’itinérance est devenue un problème plus courant dans le Nipissing Ouest et ce phénomène s’est avéré particulièrement inquiétant pendant l’hiver, suscitant des initiatives de collecte de dons pour les sans-abri et de pressions politiques pour la création d’un abri temporaire. Alors que plusieurs ont remarqué une hausse de l’itinérance locale, les autorités disent qu’il n’existe pas de statistiques précises sur le nombre de sans-abri ou de personnes à risque. Elaine Ducharme, agente pour le programme d’aide True Self, travaille sur ce dossier et elle visite le Nipissing Ouest une fois par semaine pour mieux cerner l’étendue du problème en vue de proposer des solutions.
Mme Ducharme habite Sturgeon Falls mais son bureau est à North Bay. «Je viens une fois par semaine et j’entre en contact avec des membres de la communauté. J’essaie de dépister où se trouvent les itinérants, ceux qui campent à l’extérieur, ceux qui sont sans abri ou à risque de devenir sans abri,» explique-t-elle. Elle dit que le phénomène s’aggrave en raison du coût de la vie galopant, et cela est une réalité partout, pas seulement dans le Nipissing Ouest. «J’ai commencé en septembre alors c’est assez nouveau pour moi. Je suis en train de créer des liens avec les gens, en train d’établir une relation avec les personnes que je trouve.»
Lorsqu’elle trouve des personnes itinérantes, elle «évalue s’ils ont besoin de quelque chose ou s’ils peuvent accéder à des services. Par exemple, certains n’ont pas de vêtements chauds,» dit-elle. Elle recueille alors des manteaux, survêtements, bottes, chaussettes et autres articles pour leur livrer. Parfois l’intervention est bien reçue, mais pas toujours. Mme Ducharme précise que les itinérants ont souvent des difficultés qui dépassent le simple manque d’argent. Il peut y avoir des troubles de santé mentale, de la toxicomanie, des traumatismes – les raisons sont aussi variées que les personnes.
C’est pour cela qu’il est essentiel d’établir un bon rapport avec eux, souligne-t-elle, ajoutant qu’elle-même a vécu l’expérience d’être sans abri, ce qui lui confère une meilleure compréhension de cette réalité. «Parfois les gens trouvent cela plus facile de parler avec quelqu’un qui est passé par là. (…) Il n’y a pas de jugement.» Dans le cadre de ses interventions, «nous distribuons des articles de réduction des risques, comme des vaporisateurs de naloxone pour prévenir les surdoses… Nous avons aussi des languettes de dépistage de fentanyl… Beaucoup de substances aujourd’hui ont des ajouts que les consommateurs ne soupçonnent pas… c’est pour cela qu’il y a des surdoses. La réduction des risques est donc très importante… surtout parmi cette population vulnérable où nous voyons beaucoup de problèmes de santé mentale et de dépendance.»
Mme Ducharme doit parfois transporter des personnes sans abri à North Bay pour accéder à un refuge temporaire, surtout lorsque la température baisse à des niveaux dangereux. «C’est parce qu’il n’y a pas beaucoup de services [dans le Nipissing Ouest]. Il n’y a pas de centre de réchauffement, pas de cuisine communautaire, mais ces services existent à North Bay. C’est pour cela que beaucoup de gens aboutissent à North Bay ou Sudbury… Il n’y a rien pour eux dans leur communauté… Nous avons des services locaux comme le Centre Alliance [pour la santé mentale et la toxicomanie]… mais pas grand’ chose où l’on peut juste se présenter sur le pif et demander des services. Notre organisme [True Self] essaie donc de combler ce vide et les apporter à un centre.» Elle ajoute que Sturgeon Falls avait autrefois une cuisine communautaire qui aidait beaucoup, mais cette initiative a été interrompue par la pandémie.
Mme Ducharme n’a pas de statistiques sur l’étendue du problème, et porte son attention immédiate aux besoins les plus pressants. Elle ajoute que beaucoup d’itinérants se cachent; s’ils campent dans les bois, par exemple, ils ne veulent pas qu’on trouve leur site. «Donc je continue à chercher,» dit-elle, invitant les gens à appeler True Self au 705-474-4058 s’ils sont conscients d’une telle situation.
Elle ajoute que certaines personnes souffrent de séquelles psychologiques, par exemple si elles ont été victimes de trafic humain. C’est son rôle de déterminer ce qu’il faut pour les aider. «Je suis juste là pour voir si les personnes sont correctes, je fais une vérification de bien-être, je leur parle pour savoir s’ils ont un endroit où aller. Je leur donne une lampe de poche, une couverture, une collation… tout ce que je peux pour rendre leur journée un peu plus facile et leur prêter une oreille attentive… Parfois il suffit d’écouter et je pense que ça les aide d’être entendus et de recevoir de l’empathie.»
Certains se demandent pourquoi la municipalité de Nipissing Ouest n’offre pas de refuge d’urgence, surtout par temps de grand froid. Des critiques ont été exprimées à l’endroit du nouveau conseil municipal, car la ville ne veut pas ouvrir ses installations pour éviter la responsabilité légale si quelque chose devait se produire, par exemple une surdose. La mairesse Kathleen Thorne Rochon répond qu’un problème aussi complexe ne peut pas être réglé en quatre mois, et que le risque de responsabilité légale est un réel enjeu pour la ville. «Si nous accueillons des personnes dans nos édifices, le fait est que ces personnes tombent immédiatement sous notre charge et nous en assumons la responsabilité» d’un point de vue légal, précise-t-elle.
Ainsi, si une personne tombe et se blesse, ou si une surdose devait se produire, la ville pourrait être attaquée en justice et les contribuables en paieraient les frais. «Nous ne sommes pas une agence d’aide sociale. Notre personnel n’a pas les compétences nécessaires pour superviser ou traiter des problèmes complexes de santé mentale ou de dépendance qui sont communs parmi les personnes dans cette situation,» de dire Mme Thorne Rochon. Elle souligne que la ville contribue de grandes sommes au Conseil d’administration des services sociaux du district de Nipissing (CASSDN), censé offrir ce genre de service dans la région entière.
Cet organisme doit-il donc offrir un refuge dans le Nipissing Ouest? La réalité, pour le moment, c’est qu’il n’y a pas de statistiques pour justifier ce service ; on ne sait pas combien d’itinérants se trouvent dans cette municipalité. Mme Thorne Rochon dit que le Nipissing Ouest contribue 3,2 millions de dollars au CASSDN pour des services de logement social, de santé mentale et autres. «Le CASSDN est le fournisseur de service parce qu’il a l’expertise, parce qu’il a les programmes qu’il peut offrir sur une grande étendue géographique… Le centre de service pour notre municipalité est à North Bay; nous n’avons pas la capacité ici… et nous n’avons pas la demande non plus… Est-ce qu’il y a moyen d’offrir un service d’urgence dans des cas de froid extrême? Probablement. Est-ce que ça relève de la municipalité? Probablement pas. Ça peut probablement se faire par des groupes communautaires, par des organismes sans but lucratif,» dit la mairesse.
En attendant, que doivent faire les personnes prises au froid dans la municipalité? La mairesse leur conseille d’ «appeler le centre de crise ou le CASSDN et il paieront le transport ou vous dirigeront vers les services appropriés. (…) C’est la limite de ce que nous offrons présentement dans cette communauté, et c’est la structure dont nous avons hérité comme nouveau conseil. Nous sommes en poste depuis trois mois seulement. Nous allons recevoir une présentation du CASSDN le 21 mars et cela donnera au conseil et au grand public un meilleur aperçu des services qu’ils nous fournissent, et comment ils les fournissent, pour l’argent que nous leur versons.»